Madame la ministre
Si vous vous plaisez à dire que notre pays est une terre d’accueil pour les capitaux étrangers ou encore pour les touristes venus du monde entier, nous vous entendons beaucoup moins parler de tous ces jeunes qui s’y sentent beaucoup moins bien accueillis et qui vont même jusqu’à quitter notre territoire, parfois définitivement. Des publications universitaires nous disent le sentiment de malaise ressenti par un nombre grandissant de Français qui n’y trouvent plus leur place alors qu’ils y sont pourtant chez eux. Ces échos du mal-être de nos concitoyens, je les entends aussi dans ma circonscription.
Madame la ministre, chers collègues, pardonnez-moi ce rappel mais Paris n’a pas attendu les JO pour être une ville-monde. La mixité culturelle de notre capitale est même estimée à environ 20% de population d’origine étrangère. Dans une partie de la circonscription dont je suis l’élu, elle atteint même les 30%.
Pourtant, j’entends monter de ces rues populaires, de ces quartiers cosmopolites, l’inquiétude croissante de certaines familles, qui me disent que leur fils ou leur fille ont décidé de tenter leur chance à l’étranger – aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Australie, dans les pays de la péninsule arabique… Autant d’endroits où ils peuvent compter sur leurs mérites, quelles que soient leurs origines. Les chiffres chez nous sont sans appel :
1,2 million de victimes subissent une discrimination ou une atteinte à caractère raciste ou antisémite chaque année. Sur mon territoire, les jeunes issus de l’immigration ne trouvent pas de logement, parce qu’ils sont trop chers, mais surtout parce qu’ils subissent une discrimination au logement, comme à l’embauche d’ailleurs. Rappelons-le, selon l’institut Montaigne, les hommes perçus comme musulmans par les employeurs ont jusqu’à quatre fois moins de chances d’obtenir un entretien d’embauche que les candidats perçus comme chrétiens.
Dans son livre sur Les épreuves de la vie, le sociologue Pierre Rosanvallon, professeur au Collège de France, rappelle l’amertume et le coût psychologique de ces discriminations dont souffrent nos concitoyens.
Mais ce racisme du quotidien a aussi un coût financier, dont on parle trop peu. Car quand vous consacrez jusqu’à 180 000 euros pour qu’un jeune grandisse en bonne santé dans notre pays, pour qu’il soit convenablement éduqué, et que vous le voyez quitter notre Hexagone, vous ne pouvez vous empêcher de penser au terrible gâchis, y compris économique, que cela entraîne. Ce racisme diffus mais quotidien empêche les individus d’exploiter leur potentiel économique, éloigne de notre pays des jeunes qui mettent leurs talents au service d’autres pays, moins regardants sur leurs origines.
Pourtant, si nous réduisions les discriminations raciales dans l’accès à l’emploi, le travail et l’éducation, notre pays pourrait, d’après « France-Stratégie », gagner jusqu’à 1,5 point de PIB sur les 20 prochaines années. D’autres calculs, sur ces « talents gâchés », estiment à près de 10 milliards d’euros le manque à gagner chaque année : car l’État investit et forme une jeunesse qui souffre de discriminations et qui, faute d’embauche, à son niveau de compétences, ne contribue pas, ensuite, à produire la richesse nationale.
Ainsi, le coût de nos intolérances est devenu une charge économique.
Alors Madame la Ministre « en charge de l’Economie », ma question est simple : Comment pouvez-vous vous assurer que des moyens sont vraiment fléchés sur le Plan national contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations ou, plus globalement, plutôt que de mener à la hache des coupes budgétaires aveugles, que mettez-vous en place pour que le racisme en France cesse de coûter de l’argent à la France, et appauvrisse d’autant nos territoires ?