Santé mentale

Image : Hugo berthe, 2012CC BY-NC-SA 2.0

C’était la « grande cause nationale 2025 ». Encore une. Après la planète, le climat, les violences faites aux femmes, l’éducation… On ne les compte plus. Pas plus que les numéros verts censés résoudre les crises. Composante essentielle de la santé, la santé mentale concerne aujourd’hui une part écrasante de la jeunesse : près de 55 % des 18-24 ans sont affectés par un trouble ou une souffrance psychique. Mais la santé mentale, loin de devoir être un buzzword, invite à un véritable plan d’action. En effet, au-delà des discours, c’est la réalité concrète du soin qui se délite. À quoi bon multiplier les campagnes si, dans les faits, des patients atteints de troubles anxieux, bipolaires ou dépressifs ne trouvent plus leurs traitements en pharmacie ?
Depuis plusieurs mois, la France, septième puissance économique mondiale, est touchée par des difficultés d’approvisionnement, voire des ruptures de stocks alarmantes de médicaments psychotropes : olanzapine, teralithe, quétiapine, antidépresseurs divers, tous sont concernés. Le phénomène est national, persistant, symptôme du désengagement de l’Etat. En réalité, ces pénuries ne sont pas accidentelles. Elles s’expliquent par un enchevêtrement de facteurs pluriels : la vulnérabilité des chaînes logistiques, une forte dépendance vis-à-vis de sites de production étrangers, des choix stratégiques de laboratoires préférant les marchés les plus lucratifs ainsi qu’une politique de prix en France jugée trop peu incitative par les fabricants et autres industriels. Le résultat ? Une exposition accrue à des risques de rechute, une errance thérapeutique renforcée au détriment des patients et de leur entourage.
Plus largement, la psychiatrie reste le parent pauvre de notre médecine. Délaissée, sous-financée, mal valorisée, elle incarne l’abandon silencieux d’un pan entier de la politique de santé publique, et ce, depuis trop longtemps. Le centre hospitalier Sainte-Anne, à cheval sur ma circonscription, et l’Institut Mutualiste Montsouris sont, à ce titre, des piliers majeurs de l’offre de soins sur Paris. Ils incarnent l’engagement d’une partie du corps médical et de professionnels, qui, malgré tout, œuvrent au mieux.2

Le témoignage récent du journaliste et animateur Nicolas Demorand, ayant révélé être bipolaire de type deux, nous pousse à lever un tabou : celui de la maladie mentale. Crue et violente comme il l’explique lui-même, cette formule courageuse appelle à un combat contre le silence, l’invisibilisation et la stigmatisation de milliers de personnes atteintes de pathologies mentales. Cela fait peur, oui, d’autant plus dans une société maltraitante où l’altérité se heurte à une norme sociale étroite, à une vision aseptisée du commun. A l’heure d’un néolibéralisme précarisant, d’une grave crise climatique et d’une économie de l’attention captée par les plateformes numériques, on ne peut répondre à un enjeu protéiforme par des solutions individuelles. Ce n’est ni suffisant, ni pertinent : la santé mentale ne peut être abordée uniquement comme une affaire personnelle. Elle est le symptôme d’un déséquilibre collectif, et appelle une réponse structurelle, sociale et politique. A terme, l’engagement en faveur de la santé mentale devra être englobant, ou alors il ne sera qu’un slogan de plus.

Les politiques doivent désormais se préoccuper sérieusement de la santé des français, en interrogeant d’abord leurs conditions matérielles d’existence et pas que. Interrogeons ce qu’il y a derrière cette détresse, ce qu’il faudrait changer dans une société productiviste où tout projet humain, culturel et éducatif est mis à mal. Créer du lien est important, y apporter des moyens l’est encore plus. Pour nos jeunes et pour le futur.