Milei, Trump, Georgescu et les réseaux sociaux

La mauvaise nouvelle de la semaine nous vient de Roumanie. Le premier tour de l’élection présidentielle en Roumanie a déchiré un voile d’illusions : nos système démocratiques sont plus que jamais menacés par la conjonction entre populisme, extrême-droite et réseaux sociaux.  L’ascension spectaculaire de Călin Georgescu (22%), candidat nationaliste d’extrême droite prorusse, aux discours pseudo-ésotériques est un signal d’alarme. Certes, il y a un peu d’espoir de voir la candidate Elena Lasconi, lui barrer la route, si le favori de la course, le Premier ministre socialiste est arrivé troisième, joue le jeu et accepte de la soutenir (ce qui n’est pas gagné).

Mais le vrai problème n’est pas seulement qu’un autre pays européen encore pourrait basculer à l’extrême-droite. Il est dans le chemin de ce succès : c’est grâce à une campagne entièrement réalisée sur les réseaux sociaux, et particulièrement TikTok que Georgescu a réussi à capter un électorat jeune souvent éloigné des urnes. Ses vidéos virales, associant des scènes dynamiques et des messages spiritualistes et nationalistes, ont multiplié sa visibilité et renforcé son audience, servie par un algorithme qui récompense les contenus spectaculaires. Cette approche, mêlant modernité technologique et discours ultraconservateur, a pris de court l’électorat et les partis établis.

Il y a des précédents, comme ces influenceurs chypriote ou espagnol qui ont gagné un siège au Parlement européen en juin en racontant n’importe quoi, et de préférence des énormités d’extrême-droite. Mais c’est aussi un danger à gauche, comme pour Syriza, parti de la gauche radicale grecque, dont Stefanos Kasselaki, citoyen grec vivant aux USA, financier et charismatique, avait gagné la présidence du parti après une campagne totalement virtuelle sur les réseaux sociaux. On le sait depuis le Brexit, les nouvelles formes de populisme numérique peuvent avoir des conséquences bien plus lourdes que le destin d’un parti d’opposition grec.

C’est ce que Giuliano Da Empoli explique bien dans son livre sur la convergence entre big data et les succès de l’extrême-droite, de Trump à Orban en passant par Netanyahu.

Cette élection roumaine nous rappelle un défi démocratique majeur : l’impact des réseaux sociaux sur nos institutions. Entre désinformation et polarisation, ces plateformes amplifient les divisions au lieu de promouvoir le débat démocratique et un espace public sain. Les algorithmes, motivés par le profit, favorisent les contenus les plus clivants, reléguant la nuance au second plan.

Cette dérive, que nous observons à travers l’Europe, érode la confiance des citoyens dans leurs institutions et dans le processus démocratique lui-même. Elle questionne notre capacité collective à construire un espace de discussion respectueux et informé. En France comme ailleurs, nous ne sommes pas immunisés contre ces phénomènes.

Plusieurs ONG roumaines ont demandé à la Commission européenne d’ouvrir une enquête sur l’utilisation de TikTok pendant la campagne, en s’interrogeant sur la transparence et la sécurité de cette plateforme dans un processus électoral.  

Il est impératif que l’UE et surtout les Etats membres prennent leurs responsabilités. Réguler les plateformes numériques pour qu’elles servent l’intérêt général, et non des intérêts privés, est devenu une priorité. Ce combat pour la vérité et la démocratie est celui de notre époque.