C’est officiel depuis aujourd’hui, la France vient de lâchement se réfugier dans l’abstention dans le vote à Bruxelles sur la prolongation d’autorisation du glyphosate sur le territoire de l’UE.
En 2017, pourtant, Emmanuel Macron avait pris nettement position contre ce renouvellement. Avec la surprise d’un vote en faveur par l’Allemagne, un compromis européen avait gardé la question ouverte. Mais alors que l’autorisation est à nouveau à l’ordre du jour, la France a changé d’avis.
Pis. Dans cette procédure technique, l’absence de décision laisse le dernier mot à la Commission européenne, dont on sait qu’elle est en faveur du renouvellement. Autrement dit, Macron et son ministre de l’Agriculture n’ont même pas le courage d’assumer leur soutien au glyphosate et se réfugient derrière la « faute à Bruxelles ».
Le glyphosate n’est pas le seul produit phytosanitaire toxique utilisé dans notre agriculture – mais il est le symbole de toutes nos impasses.
Cet herbicide très répandu dont les scientifiques ont démontré les dégâts qu’il inflige à la vie des sols – et dont l’INSERM en France rapportait en 2021, « une présomption moyenne » d’effet cancérigène.
Dans un avis qui semblait négliger une grande partie de la littérature scientifique, l’Agence de sécurité alimentaire européenne, l’EFSA, avait conclu à l’innocuité de ce poison pour les sols et les agriculteurs. Et c’est sur cet avis très controversé que la Commission européenne et la France basent leur décision.
Avec la suspension des échanges mondiaux causée par la pandémie Covid, puis l’invasion par la Russie de l’Ukraine, la prise de conscience des vulnérabilités géopolitiques de notre système agricole est devenue générale. L’Europe est une puissance agricole.
Après 60 ans d’existence, la Politique agricole commune a rempli sa mission : notre continent, exsangue et affamé au sortir de la guerre, est aujourd’hui autosuffisant et se permet même de nourrir le monde par l’exportation commerciale de ses surplus.
Mais de toute évidence, cette puissance est fragile :hautement intégrée aux marchés mondiaux et fortement dépendante des importations d’intrants, chimiques, mécaniques et caloriques, notre agriculture européenne, et française en particulier, a découvert que le colosse ades pieds d’argile.
La grande fragilité de notre agriculture européenne et française, c’est cette dépendance.
Ce que nous démontrent les agronomes, les pédologues, les climatologues, études après études, c’est que la menace qui pèse le plus fortement sur notre souveraineté alimentaire, est dans le modèle, comme le ver est dans le fruit.
C’est l’organisation même de notre système alimentaire, qui porte sa crise en lui-même comme la nuée porte l’orage.
Ce qui menace les revenus des agriculteurs, ce qui les jette dans des spirales d’endettement et les mène aux faillites et aux gestes désespérés, ce qui pèse sur leur capacité future à nourrir l’Europe, c’est la fuite en avant du productivisme et du rendement. Toujours plus de pesticides, d’engrais de synthèse, de chimie, d’exportations. Travailler plus pour gagner de moins en moins, à mesure que s’épuisent les sols et les ressources de la nature.
Notre modèle actuel est insoutenable.
Nous devons changer nos pratiques, nos modes de production et de consommation, si nous voulons maintenir notre souveraineté alimentaire.
Alors certes. Sortir du glyphosate ne résoudrait pas l’insoutenabilité actuelle du système. Mais ne pas en sortir marque d’un signe très clair le refus de la France de Macron d’envisager sérieusement les alternatives