Répondre par la force à la détresse et à la révolte des jeunes de banlieue est un signe de faiblesse politique en plus d’être une manifestation d’autoritarisme stérile.
Il fallait s’y attendre. Après la carotte, le bâton.
Puisque les jeunes révoltés brûlent leurs équipements urbains et les millions reçus au nom des politiques de la ville, le président de la République, en moderne Machiavel, se dit que si l’on ne peut pas acheter la paix sociale, alors il faut l’établir à coup de matraques.
Les rumeurs de remaniements bruissent d’un futur tour de vis pour l’Éducation nationale. Il s’agirait de nommer un homme – forcément – à poigne, pour faire rentrer dans le rang tous ces jeunes révoltés, ces collégiens que ne retient plus l’autorité défaillante de parents démissionnaires. Mettre au pas les enseignants, les syndicats, les élèves, les parents, les personnels. L’ordre républicain à la baguette. C’est le retour du Président des « devoirs avant les droits ».
« Il y a un problème d’autorité dans notre société », constate notre César de la République d’un coup de menton martial. Certes. Mais pas celui qu’il s’imagine. Comme le respect, l’autorité se construit, se gagne, se mérite. Elle suggère la capacité à élever ceux à qui l’on commande. Sa racine latine (auc) rappelle l’augmentation. Alors nous avons en effet besoin d’autorités, mais de celles qui nous grandissent, pas de celles qui nous rabaissent. L’autorité des pères fouettards établie par la violence, symbolique ou physique, n’est qu’une manifestation d’autoritarisme. Confondre la générosité avec la naïveté est un signe de faiblesse intellectuelle. Répondre par la force face à la détresse et la révolte des jeunes de banlieue aujourd’hui, des classes populaires hier, des Gilets Jaunes avant-hier, est un signe de faiblesse politique.
Avec la menace de sanctions financières « à la première connerie », dixit le Néron des banlieues, faut-il s’attendre au retour des châtiments corporels ? ou au moins de l’uniforme – une proposition d’ailleurs soutenue récemment par Brigitte Macron, et le Rassemblement National qui avait en janvier déposé une proposition de loi en ce sens.
Au fond, avec ses jeunes déguisés en cadets de la police, saluant les couleurs au son du clairon, le Service national universel, que notre Napoléon des cours d’école voulait rendre obligatoire, donne une image assez fidèle de la philosophie éducative qui règne à l’Elysée : les jeunes, surtout ceux des classes laborieuses, sont des hordes dangereuses qu’il convient de dresser.
Pourtant, il est évident qu’il faut investir dans notre éducation nationale. Tous les parents le savent. L’école est notre bien commun.
C’est là que prennent corps les espérances des familles, leurs rêves, leurs craintes aussi. Quels parents ne sont pas inquiets de voir que leurs enfants sont assez désespérés pour s’enflammer dans ces mouvements de révolte, au péril de leur liberté, voire de leur intégrité physique ? Quels parents ne partagent pas les angoisses de leurs jeunes bacheliers perdus dans les trous noirs de la sélection Parcoursup ? Quels parents ne sont pas inquiets de constater, jour après jour, les reculs du service public de l’éducation nationale ?
Faut-il avoir des enfants pour le comprendre ?
Parmi les services publics les plus abîmés par le pouvoir depuis trente ans, il y a l’école. Ce n’est pas un hasard, elle est le dernier bastion à abattre pour la contre-révolution. Lieu de l’émancipation des classes populaires, de l’intégration culturelle, de l’ascension sociale et de l’apprentissage de la citoyenneté démocratique, c’est en son sein que se tissent les liens qui nous unissent.
Quel est l’intérêt de transformer nos écoles en casernes ? Assurer aux braves gens apeurés que les sauvageons seront tenus et bien dressés ?
Soyons lucides. Si l’éducation a besoin d’une réforme en profondeur, ce n’est pas d’une militarisation. C’est d’une révolution culturelle. Notre école doit être le lieu où se forger les outils théoriques et pratiques d’une compréhension du réel ; où apprendre et cultiver la connaissance de soi, et la reconnaissance de l’autre, préalables indispensables au développement du respect. Nous voulons une école capable de répondre aux défis du siècle que sont le vivant, le virtuel et les interdépendances. Nous voulons une école publique entièrement et vraiment gratuite.
Il y a peu de forces politiques aujourd’hui en France qui ont un vrai projet éducatif.
Les réactionnaires en ont un. Il avait le visage de l’extrême-droite, il a désormais celui d’Emmanuel Macron, fossoyeur de l’école émancipatrice.
Qu’il soit prévenu : nous ne laisserons plus rien passer.
Rodrigo Arenas, Député de Paris
Merci pour ce beau réquisitoire !
J’ajouterais que nous avons aussi besoin d’une école qui ne craint plus « le politique » (former les profs dans ce sens car trop de collègues fuient certains sujets parce que « c’est trop politique ») et qui permet instruction et débat pour que nos jeunes acquièrent non seulement de solides connaissances en matière de fonctionnement des institutions, en matière de rôles des Assemblées et de leurs élus.e.s mais aussi le GOÛT de la citoyenneté, de l’engagement et de la défense des biens communs.
Bon courage . Bonne continuation ! 👏✌️