Après le travail, la famille… décidément les priorités du gouvernement Borne évoquent de plus un plus un triptyque de sinistre mémoire. Les dernières annonces de la Première Ministre ont vocation, parait-il, à répondre aux violences urbaines survenues au début de l’été.
Fidèle à sa rhétorique sécuritaire et droitière, la macronie continue de qualifier d’émeutes ces révoltes de la jeunesse, et ne semble pas le moins du monde embarrassée par la reprise des éléments de langage de la droite radicale. Il est vrai qu’après avoir considéré avec Gérald Darmanin, que Marine Le Pen était « un peu molle » sur les questions de sécurité et d’immigration, on imaginait mal ce gouvernement dégainer de vraies mesures humanistes et sociales. Malgré la dégradation des conditions de vie dans les quartiers dits populaires et à la désespérance croissante d’une partie de la jeunesse française, ce n’est pas un « pognon de dingue » que reçoit la politique de la ville, mais moins d’éducation, moins de police, moins de justice, moins de santé, moins de transport – une addition de difficultés.
Encadrement militaire, responsabilisation des parents, stages de civisme pour les familles qui relâcheraient trop la bride à leur descendance, répression du trafic de drogue… entre les mesures qui existent déjà (et ne fonctionnent pas), celles dont même un étudiant en droit pourrait juger qu’elles sont inconstitutionnelles, celles qui sont inapplicables et celles qui n’ont aucune substance, le plan du gouvernement ressemble surtout à une maladroite tentative d’OPA sur les voix de l’extrême-droite.
Ne vous inquiétez pas, braves gens, le gouvernement veille et va remettre les délinquants et leurs familles au pas – il va mater la jeunesse à coups de SNU et de brutalités policières.
Comme la suspension des allocations, mesure-chérie de la droite et de ses relais médiatiques, la responsabilité pénale des parents pour les actes de leurs enfants n’a aucune valeur juridique. Pire, elle souligne le mépris pour ces familles monoparentales dont sont issus une majorité des mineurs impliqués. Quant à l’encadrement des jeunes délinquants par des militaires, il rappelle les grandes heures des bagnes pour enfants, comme celui de Belle-Ile. Le doublement des heures d’éducation civique et morale au collèges sonne comme un aveu d’impuissance…
Ce festival de faux-semblants où le ridicule le dispute à l’inquiétant souligne surtout la faiblesse des réponses de ce gouvernement, démuni face à une jeunesse dont il refuse de comprendre, et même d’entendre, les aspirations. Ce gouvernement préfère mettre l’argent dans les réparations, plutôt que dans son école, qui joue pourtant « un rôle capital » selon E. Borne. Nul besoin de mettre au point des solutions crédibles, l’important c’est de faire croire à la frange inquiète et réactionnaire de l’électorat que les autorités contrôlent la situation.
Mais plutôt que de s’enfermer dans l’impasse autoritaire, la macronie pourrait enfin prendre conscience que ces révoltes urbaines, comme celles des Gilets Jaunes, sont d’abord le résultat de l’affaiblissement des solidarités, des services publics et de la destruction des repères collectifs délibérément mis en œuvre par les politiques successives des gouvernements Macron depuis six ans – et même au-delà, car les racines du mal sont plus anciennes, et remontent à Sarkozy ministre de l’intérieur.
La première mesure éducative que doit prendre ce gouvernement, c’est de traiter les jeunes et leurs parents avec considération et respect. L’égalité des chances passe d’abord par l’égalité des droits.
Au lieu de militariser les rapports sociaux et d’infantiliser les citoyens, la Première Ministre pourrait enfin cesser de faire du tissu associatif, des réseaux d’entraides, des actions sociales, des polices de proximité, les variables d’ajustement des politiques publiques.
Plutôt que de se plaindre qu’on « déverse » de l’argent sur les quartiers, le gouvernement Borne pourraient prendre connaissance des études qui soulignent que c’est faux. C’est pour cela que je défends, entre autres, la mesure d’une école vraiment gratuite. Pour faire de l’éducation un levier au service de l’émancipation des plus modestes et du progrès social.
« La drogue c’est mal » répètent Elisabeth Borne et ses ministres mécaniquement, comme un mantra. Mais à voir les mesures proposées, on se demande quelle drogue ils prennent eux, pour ne pas voir l’état de la jeunesse et les effets délétères de leurs actions.