Le 27 janvier 2025 dans Le Café pédagogique
« Qu’on le déplore ou s’en réjouisse, l’IA fait désormais partie des outils de l’éducation. Il est donc urgent et vital de s’en saisir, de nous y éduquer et d’apprendre à en maîtriser le formidable potentiel comme les dangereuses dérives » écrit Rodrigo Arenas à l’occasion de la journée internationale de l’éducation consacrée à l’IA. Le député rappelle les enjeux de formation des enseignants, et la nécessité de « développer un esprit critique face aux algorithmes » des élèves. Il déclare :« cela suppose une gouvernance publique forte, une réflexion collective et une vigilance constante ».
« Produire leurs travaux écrits est devenu un casse-tête »
Travail, transports, santé, information, création artistique… évidente ou discrète, l’intelligence artificielle est toujours plus présente dans notre univers quotidien. Pour des milliers d’enseignants, le recours immodéré et surtout maladroit de leurs élèves aux logiciels de langage pour produire leurs travaux écrits est devenu un casse-tête pédagogique récurrent. Néanmoins, l’usage des Chat-gpt et autres Dall-e ou Deepl offre aussi une précieuse assistance pour la recherche documentaire, la traduction de documents inédits, la génération de questionnaires ou la production d’images pédagogiques.
Qu’on le déplore ou s’en réjouisse, l’IA fait désormais partie des outils de l’éducation. Il est donc urgent et vital de s’en saisir, de nous y éduquer et d’apprendre à en maîtriser le formidable potentiel comme les dangereuses dérives. Hélas, pour le moment, elle sert surtout à nourrir la tentation chez certains de remplacer l’humain par la machine. Le Ministère de l’Éducation nationale en montre même le mauvais exemple avec son « service numérique de remédiation », qui laisse l’inquiétante impression d’une expérimentation d’école sans profs. Confier l’éducation à des algorithmes purement pour réduire les coûts ou remplacer des enseignants relève d’une vision déshumanisée et dangereuse de l’école.
« L’école doit former des esprits libres et éclairés »
Il n’est donc pas superflu de rappeler que l’école est bien plus qu’un lieu de transmission des savoirs : c’est une fabrique de citoyenneté, un espace de justice sociale, une promesse d’émancipation. Ce n’est pas en noyant les élèves sous des contenus automatisés ou en réduisant les interactions humaines que nous les aiderons à grandir. En outre, certaines pratiques, comme l’évaluation par IA sans aucune prise en compte du contexte, ou l’usage de la surveillance algorithmique, ne font que renforcer la pression sur les élèves et les enseignants. Si la révolution technologique de l’IA devait se résumer à accentuer la taylorisation des enseignants ou la sélection entre les élèves qui savent s’en servir et ceux qui se retrouvent à son service, alors à quoi bon. Loin des dystopies et des fantasmes, l’IA nous offre l’opportunité unique de réinventer notre manière d’apprendre et de transmettre pour mieux répondre aux défis sociaux, humains et pédagogiques de notre époque.
Faisons-en au contraire un levier d’apprentissage pour réduire les fractures et les inégalités des familles face aux savoirs. L’école doit former des esprits libres et éclairés, capables de comprendre et d’interroger le monde. Loin de se substituer à la pensée humaine, l’IA peut en devenir un formidable catalyseur. Imaginez une classe où des simulations interactives permettraient d’explorer l’histoire, de modéliser des phénomènes scientifiques complexes ou de débattre des grands enjeux contemporains, avec des outils enrichis par l’intelligence artificielle.
« L’IA au service du bien commun »
Mais pour intégrer l’IA à l’école il faut une éducation numérique sérieuse et partagée. Pour que chaque élève puisse apprendre à utiliser ces outils avec discernement, à comprendre leurs biais et leurs limites, à développer un esprit critique face aux algorithmes, il faut aussi former leurs enseignants. Former les citoyens, c’est aussi leur donner les clés pour ne pas devenir les simples consommateurs passifs des technologies de la soumission. Il ne s’agit pas de livrer nos écoles aux intérêts privés ou de transformer les élèves en données exploitables, mais bien de placer l’IA au service du bien commun. Cela suppose une gouvernance publique forte, une réflexion collective et une vigilance constante.
Ni miracle ni menace, l’IA sera ce que nous en ferons : un outil d’expansion de notre humanité ou une nouvelle étape vers l’aliénation. Réaffirmons cette ambition : que l’IA devienne un levier pour construire une école plus juste, plus inclusive, plus émancipatrice. Ensemble, réinventons l’éducation, non pour servir les machines, mais pour mieux servir l’humain.
Rodrigo Arenas