Le virus l’a démontré, notre école est malade. Derrière le triomphalisme malvenu d’un ministre décrédibilisé, il y a l’implacable bilan d’un recul général, y compris dans les classements internationaux dont il avait pourtant fait sa boussole. 

Inévitable urgence, il faut repenser l’ensemble du système scolaire pour qu’il tourne le dos définitivement à l’exclusion et promeuve une inclusion réelle de toutes et tous dans une société fraternelle. Cela passe d’abord par un véritable « collège unique », accueillant et capable de faire réussir tous les élèves. Mais, on ne construira ce collège authentiquement démocratique que si la classe de troisième n’est plus la « classe couperet » qui ouvre à certains la porte de lycées généraux ou technologiques, relègue d’autres en lycées professionnels ou en Centres de Formation d’Apprentis quand elle ne les envoie pas directement dans la « vie active ». Et derrière, il faut transformer radicalement le lycée.

Avec un lycée pour toutes et tous et non pour quelques-uns, il s’agit de renouer les fils du tissu social rompus par la sélectivité d’un modèle élitiste. Sa mise en place repose sur quatre mesures solidaires. La première est celle d’un allongement de l’obligation scolaire jusqu’à la majorité légale de 18 ans, pour élever le niveau général de notre jeunesse et s’assurer que tous les élèves, quels qu’ils soient, bénéficient d’une formation générale et professionnelle. Cela permettra ainsi de réinsérer dans le parcours scolaire les cabossés de la sélection, toutes celles et ceux qui se sont retrouvés, un jour, écartés par un modèle conçu comme une pyramide, dont les scientifiques des « grandes écoles » forment la pointe et les laissés-pour-compte de l’alternance professionnelle la base.

Deuxième mesure : dans ce lycée, tous les élèves suivront un nouveau tronc commun élargi, combinant à parts et poids égaux, les disciplines académiques traditionnelles et les savoirs interdisciplinaires articulés sur les pratiques sociales et professionnelles. Cet équilibre est fondamental pour combattre l’obsession très française du tri sélectif et de la hiérarchie des filières.

Bien entendu, et c’est la troisième mesure, ce tronc commun devra être complété par une spécialisation. Qu’elle soit académique ou technique, elle permettra aux élèves de se construire un profil personnel articulé à une maîtrise de savoirs généraux partagés. 

Enfin, la dernière mesure, consiste à faire du baccalauréat la condition commune et unique d’entrée dans l’enseignement supérieur, que ce soit dans les filières universitaires, techniques ou professionnelles. Mais un baccalauréat repensé, libéré d’un contrôle continu inefficace et angoissant ou des calculs stratégiques des débrouillards qui bachotent enfonction des coefficients. Pour un examen final organisé en unités de valeurs, sans compensation entre elles,correspondant, pour moitié, au tronc commun et, pour l’autre,aux spécialités, qui devront toutes être validées.

Car il s’agit de renverser le modèle d’excellence à la française : celui d’une pyramide scolaire cautionnant la pyramide sociale. Il s’agit de permettre aux étudiants des filières professionnelles de ne plus subir la discrimination au diplôme dans leur embauche et leur évolution de carrière. En intégrant les parcours professionnels dans un « lycée unique », on permettra aussi à la société et au monde du travail, à l’enseignement supérieur et aux employeurs, de dépasser les représentations simplistes qui distinguent les « métiers manuels » des « métiers intellectuels » et classent les individus en fonction de la valeur supposée de leurs diplômes.

On aura reconnu dans cette perspective de lycée pour toutes et tous, la combinaison des qualités de deux systèmes éducatifs de nos voisins européens. Au système allemand, il s’agit d’emprunter sa capacité à valoriser l’enseignement technique et professionnel, ce qui est d’autant plus nécessaire face aux enjeux industriels des transitions numériques et écologiques.  Au système finlandais, en pointe de l’OCDE, il s’agit d’emprunter une vision de l’éducation où l’attention à la construction du collectif s’articule au souci d’accompagner au mieux chaque élève dans son itinéraire, et où la fluidité des parcours lève les obstacles actuels aux réorientations et bifurcations inévitables pour des jeunes en construction.

Sans guérir tous les maux, cette réforme du lycée permettra au moins de contribuer à dessiner un avenir commun pour toute la jeunesse française.

Rodrigo Arenas, ex coprésident de la FCPE Philippe Meirieu, professeur honoraire en sciences de l’éducation