Parce que je suis un homme, un militant de terrain, j’entends tous les jours les femmes me raconter leurs histoires et celles de leurs enfants, souvent tragiques, toujours poignantes, qui me renvoient à mon impuissance. Pourtant, aujourd’hui, je voudrai tellement leur dire « demain, vous n’aurez plus peur ! »
Les femmes auraient-elles reçu la peur en héritage ? Ce sexe a bien du mal à se départir de cet étrange sentiment qui l’étouffe, l’étreint, parfois le broie, rarement l’émancipe, l’accompagne partout, tout le temps, ou presque. Peur de naître, de grandir, de vivre, de mourir. Avec, malgré tout, un incroyable courage à affronter un monde qui leur est toujours hostile.
De l’infanticide des fillettes chinoises ou indiennes aux féminicides universels, la femme est une victime « par nature ». Parce que considérées comme objet, longtemps déshumanisé, elles sont une cible de la violence masculine. Alors la peur fait partie d’elles, presque comme un mécanisme d’auto-défense qui se mettrait en marche pour leur éviter le pire.
Si elle compatit, parfois, si elle est solidaire, parfois, jamais la gent masculine ne peut ni ressentir ni vivre cette angoisse qui est la compagne de route de toutes les femmes. Quand elles sont des fillettes tapées dans la cour de récréation ou moquées dans les toilettes de leur école. Quand elles sont des adolescentes suivies dans le métro, tripotées dans les couloirs. Quand elles sont des jeunes femmes harcelées sur leurs lieux de travail, draguées lourdement ou victime des trafics jusque dans les réseaux de prostitution, même pédophile. Quand elles sont des femmes seules dans la rue le soir, sur des chemins de campagne. Quand elles sont des grands-mères rentrant de leurs courses, entrant seules dans leur immeuble.
Les femmes ont peur. La peur au ventre de dire non à un employeur salace. La peur au ventre de se refuser à un mari qui la menace d’abandon. La peur au ventre de devoir élever seule ses enfants. La peur au ventre de se faire renvoyer. La peur au ventre de vieillir seule.
Le monde n’est pas fait pour elles car il est fait par eux.
Certaines puisent dans leur peur le courage d’affronter cette société d’hommes, emblématiques d’une lutte qui n’en finit pas. Pour s’engager à leurs côtés, il revient à l’école, cette nouvelle agora républicaine, de commencer par éduquer les petits d’hommes, leur apprendre qu’il est interdit de frapper des femmes, d’obliger des femmes, d’insulter des femmes, de sous-payer des femmes, de mépriser des femmes… sous le seul prétexte qu’elles sont femmes, justement. C’est à l’école que le changement de paradigme peut commencer, que l’on peut apprendre aux jeunes filles ce qu’est le consentement, à ne plus avoir peur, à créer un environnement protecteur, à les défendre des prédateurs qui rôdent, à dénoncer ceux qui leur font du mal. L’école est ce lieu qui peut enfin permettre aux jeunes filles de sortir de leur peur ancestrale, à la condition que nous apprenions à nos enfants à respecter le droit de l’Homme…et de la Femme !