Lettre ouverte à madame Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Education nationale.

Madame la Ministre,

La FCPE de la Seine-Saint-Denis a pris connaissance de

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votre décision de réserver 10 % des places dans les grandes écoles de la République aux meilleurs bacheliers.

Une nouvelle n’arrivant jamais seule, dans la foulée, 18 jeunes de banlieue ont été refusés au collège international de Paris parce qu’ils venaient de … banlieue.

Ces décisions contradictoires nous éclairent sur la persistance de notre société et de notre système éducatif à maintenir sous respirateur officiel une vision « bonapartiste » de la réussite éducative, dont le cloisonnement disciplinaire des enseignements en est encore l’appendice. Nous prenons acte de la difficulté de notre société à s’émanciper de l’élitisme républicain , qui nous conduit encore aujourd’hui à l’immobilisme social au regard des origines des élèves de nos grandes écoles.

Madame la Ministre, afin de modifier cette réalité et la « génération 1968 » n’ayant pas réussi la démocratisation de l’élitisme, vous avez bien voulu entamer des réformes que nous partageons sur le fond. Si la forme sera certainement à améliorer dès la rentrée 2015, il n’en demeure pas moins que les ajustements nécessaires ne sauraient obérer les efforts entrepris pour permettre à nos enfants d’augmenter leur chance de réussite scolaire, leur chance de pouvoir choisir leur orientation et de s’affranchir des déterminismes sociaux pesant sur leur effort et leur mérite.

La Seine-Saint-Denis ce n’est pas le « 9-3 ». Si notre département concentre sur 1,5 million d’habitants les tensions qui s’exercent sur la future métropole et notre Région, les talents sont pourtant bien là. Les réussites, les inégalités et les frustrations s’y côtoient, dans un mélange subtil qui n’aura jamais éteint l’espoir d’une vie meilleure.

On ne vient pas en Seine-Saint-Denis pour retrouver Paris, mais assumons que, pour beaucoup, venir y résider relève plus de la punition urbaine que du choix assumé. C‘est parce que nous aimons la Seine-Saint-Denis que nous voulons que nos enfants y réussissent. Nos « cités » que la presse bien pensante appelle les quartiers populaires, nous les aimons. Non pas en raison de leur conditions dégradées, mais en ce qu’elles sont le terroir d’une culture belle et rebelle, les héritières de décennies de luttes et d’espoirs de toute une population, aspirant par le travail à un avenir meilleur.

Madame la Ministre, votre nomination et votre parcours interpellent les habitants de notre département. L’immigration est notre quotidien, le métissage se lit sur nos visages. Et c’est en raison de cette tolérance fragile et parfois difficile, que nous nous employons à poursuivre notre croisade contre les replis sur soi identitaires, dont notre pays est victime aujourd’hui.

Comme vous, notre vocation n’est pas de nier les difficultés, mais bel et bien de les affronter. C’est probablement d’ailleurs parce que nous avons appris à assumer les échecs que nous savons apprécier les succès. Et c’est parce qu’on ne nous ouvre pas souvent la porte qu’on nous reproche d’essayer de lenfoncer. Le béton du « périph‘ » est là pour nous le rappeler.

Madame Vallaud -Belkacem, madame la ministre de l’Education nationale, la FCPE de la Seine-Saint-Denis souhaite se joindre à votre audace. Nous souhaitons être à vos côtés pour changer nos vies. Pour cela, nous vous demandons de bien vouloir réserver 30 % des places dans les grandes écoles aux meilleures bachelières et aux meilleurs bacheliers issus des REP et des REP + à parité. C’est ce que nous appelons un retour sur investissement républicain. Nous souhaitons vous aider à réparer le moteur de l’ascenseur social en redonnant du sens à notre Ecole obligatoire, publique et gratuite. Voilà madame la Ministre où réside notre courage, voilà Madame une mesure dans l’esprit du regretté monsieur Decoing pour permettre d’accélerer la mixité sociale.

A la FCPE de la Seine-Saint-Denis, nous savons que de nombreuses familles, parce qu’elles aiment leurs enfants, font le choix de l’entre soi. Elles pensent à tort que le progrès et l’avenir résident dans des écoles où se côtoient des enfants de même origine sociale et de même origine ethnique. Nous savons en Seine-Saint-Denis que cela est faux. Nous savons la chance d’avoir des enfants venus de toute la planète pour comprendre, à échelle humaine, les enjeux de la mondialisation. Avoir un pied ici, et un autre là-bas, c’est une chance pour notre économie, une chance pour apprendre à vivre avec nos différences, au sein d’un idéal universaliste profondément rénové.

Madame la Ministre, le monde nouveau est arrivé et il réside en Seine-Saint-Denis. Comme nous, ayez l’audace de le saisir à pleine main. Nous restons convaincus que si nous réussissons ici, nous aurons la force et l’espoir de nous attaquer à l’impossible : nous y sommes tenus.

Bien à vous, Rodrigo Arenas Président de le FCPE de la Seine-Saint-Denis.