8h25 : Rémy laisse son papa au portail de l’école. Il entre tout seul alors qu’il voudrait bien lui montrer sa classe et son travail. Il a les larmes aux yeux. Il n’a que 3 ans.
8h35 : Rémy va se laver les mains pour la première fois de la journée. C’est compliqué parce que la moitié des robinets sont cassés, et puis l’Atsem est malade et n’a pas été remplacée. La maîtresse doit se débrouiller toute seule avec sa classe de 28 élèves, parce qu’elle doit en plus s’occuper d’une partie des élèves de sa collègue, toujours pas remplacée elle non plus.
11h : Johanna, 13 ans, a fini sa demi-heure de sport dans la cour. Elle transpire, elle ne se sent pas très bien dans son jogging. Tant pis, comme tous les jours elle devra faire avec, impossible de se changer, il n’y pas de locaux adaptés en période de pandémie.
12h30 : Juliette, 5 ans, n’arrive plus à se concentrer en classe. Elle a faim parce qu’elle a pris son petit déjeuner à 7h. Elle attend son tour pour aller à la cantine. Mais comme cette salle est trop petite pour tous les accueillir en même temps, les groupes se multiplient et certains enfants vont déjeuner très tard.
14h : Abdel, 17 ans, a le moral dans les chaussettes. Il doit réviser seul ses cours parce qu’il est dans sa semaine de cours « à distance ». Il s’inquiète car il se demande dans quelles conditions il va passer son bac. Surtout si les épreuves ont lieu en présence, il sait qu’il n’aura pas le même niveau que ses copains du lycée privé d’à côté où ils sont tous en présence, tous les jours.
14h30 : Deborah, 15 ans, rallume son ordinateur. Elle a déjà passé toute la matinée devant un écran. Elle va encore travailler 4 heures dessus. 7 heures au moins à s’abimer la vue : le droit à la déconnexion, c’est pour quand ?
15h : Moussa, 11 ans, rentre chez lui. Son emploi du temps a été réaménagé. Son professeur d’anglais est absent depuis 2 mois. Il n’a toujours pas été remplacé.15h30 : Johanna est punie. Après la récréation, elle a mal remis son masque. Et ce n’est pas la première fois que ça lui arrive. Dommage, la règle c’est pour tout le monde, même pour les plus tête en l’air…
16h30 : Juliette doit prendre son goûter à même le sol dans la salle polyvalente, avec un petit groupe de camarades, et en plus il faut qu’ils parlent tout doucement parce que ça résonne. Ils ne peuvent pas aller dans la salle de restauration, il n’y a pas assez de personnels pour faire le ménage.
17h30 : Moussa court avec sa maman chez la dermatologue. Il a les mains abimées. C’est à force de se laver les mains. Il a compté : cela lui arrive 12 fois dans une journée au collège. En plus, il a des petits boutons autour de la bouche, à cause du masque : il le porte 7 heures quasi d’affilée dans la journée. C’est beaucoup pour un enfant de 11 ans…
18h : Rémy, Johanna, Juliette, Abdel, Moussa sont tous à la maison. Ouf, ils vont quand même pouvoir jouer dehors les week-ends, avec des attestations, certes, mais ils pourront même faire du sport ! Par contre, ils ne pourront pas s’amuser entre amis, alors qu’à l’école ils se voient tous les jours… allez comprendre !La France a fait le choix de ne pas fermer ses écoles.
Mais à quel prix cette exception française a-t-elle pu se mettre en place ? Car aucun moyen supplémentaire n’a été débloqué pour permettre cette scolarisation à toute force. Le personnel éducatif n’a pas été renforcé, les travaux dans les écoles n’ont pas été budgetés, les locaux d’accueil scolaire n’ont pas été élargis… rien. Le gouvernement a compté sur la résilience des personnels, des parents et des enfants. Sans s’occuper des dommages physiques, psychiques, éducatifs qui en découlaient.Franchement, monsieur le ministre, croyez-vous qu’il y ait lieu de vous féliciter de cette gestion ? Comment comptez-vous réparer les dommages que vous avez causé ? Comment comptez-vous remédier aux inégalités scolaires accrues par votre absence d’anticipation et votre refus d’investissement financier dans l’Ecole ? Nous, parents, vous demandons clairement une chose : cessez de maltraiter nos enfants !