Pour Rodrigo Arenas, coprésident de la FCPE, ce n’est pas tant l’allègement du protocole sanitaire destiné aux établissements scolaires qui importe que la manière dont il est mis en œuvre par le gouvernement.
par Nelly Didelotpublié le 8 juin 2020 à 17h20
A quoi ressemblera l’école française en septembre ? Le protocole sanitaire lourd qui encadre depuis le 11 mai le fonctionnement des établissements scolaires sera-t-il toujours en vigueur ? Jean-François Delfraissy, le président du Conseil scientifique, a apporté ce dimanche un premier élément de réponse à cette question qui tourne dans la tête des parents et des enseignants. Les règles sanitaires pour les écoliers pourraient être allégées d’ici fin juin, notamment pour «les repas, les récréations ou le sport». Un changement de position important pour un conseil d’experts qui avait recommandé en avril de ne pas rouvrir les écoles avant la fin de l’été.
S’il n’est pas encore question d’augmenter le nombre d’élèves par classe, la question va se poser d’ici septembre et le Conseil scientifique doit réfléchir dans les semaines qui viennent à «simplifier et fluidifier» le protocole «à la lumière des connaissances actuelles». Mais pour Rodrigo Arenas, coprésident de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE), le problème ne réside pas tant dans les règles sanitaires que dans la manière dont elles sont mises en œuvre par le ministère de l’Education nationale.
L’allègement des règles sanitaires pour les enfants envisagé par Jean-François Delfraissy va-t-il dans le sens que vous attendiez ?
C’est surtout une expertise dont nous prenons acte. On ne parle pas vraiment de l’école mais d’une épidémie. Il appartient au chef de l’Etat de tenir compte ou pas de cette recommandation et ensuite de mettre en œuvre sa décision politique. C’est à l’Etat d’organiser les choses, et force est de constater que, depuis le 11 mai, l’organisation laisse beaucoup à désirer. Aujourd’hui, la plupart des parents veulent que leurs enfants reprennent l’école, pour qu’ils sociabilisent à nouveau, parce que la continuité pédagogique n’est pas assurée et surtout parce qu’ils doivent retourner travailler. On nous a dit réouverture des écoles, mais aujourd’hui tous les parents qui demandent une place pour leur enfant à l’école n’obtiennent pas satisfaction, loin de là.
Le protocole sanitaire complique cet accueil, en restreignant le nombre d’élèves à dix ou quinze par classe…
La question ici est celle de la capacité d’accueil. Si l’objectif, comme on le pense à la FCPE, est d’accueillir tous les enfants dans de bonnes conditions sanitaires, alors les écoles ne suffisent pas. En France, on a un problème de bâti scolaire insuffisant. C’était déjà le cas avant le Covid : le dédoublement des classes de CP en REP, par exemple, n’a souvent pas pu être organisé autrement qu’en mettant deux enseignants dans une seule classe, parce qu’il n’y avait pas assez de place pour faire autrement. Ce n’est pas forcément un problème pédagogique, mais ça montre bien la tension sur les bâtiments.
Que faire pour résoudre la situation dans l’immédiat ?
On préconise depuis plusieurs semaines d’ouvrir tous les lieux publics pour que les élèves y soient accueillis et encadrés par des professionnels. Pourquoi l’enseignement à distance, quand il a lieu, devrait-il se faire avec les parents plutôt qu’avec un adulte dont c’est le métier ? Aujourd’hui, on a l’impression que tous les problèmes de l’école à la maison venaient d’un manque d’équipement informatique, alors que c’est une question pédagogique et éducative liée à un manque d’encadrement. C’est trop facile de dire que les problèmes viennent d’un manque de tablettes, comme si les inégalités scolaires n’existaient pas avant le Covid.
Le débat sur l’assouplissement du protocole sanitaire semble moins concerner les quelques semaines qui restent avant les vacances que le retour en classe en septembre. Comment se profile cette rentrée ?
Aujourd’hui, elle nous semble bien chaotique. On a le sentiment que c’est l’enseignement à distance qui va être privilégié pour faire face à l’incurie. Mais il est hors de question que ce soit les parents qui continuent à garder les enfants. C’est à la puissance publique d’assurer la scolarité. On paie des impôts pour ça et tous les enfants y ont droit. Il va falloir mettre en place un plan d’urgence, parce qu’on ne pourra pas faire l’école comme avant. En France, il y a en moyenne 19 enfants devant un enseignant. Dans l’OCDE, c’est 15. Il faut aller vers de plus petits effectifs. Ça veut dire un plan financier, avec construction de nouvelles écoles et recrutement de plus d’enseignants.