Par Marie Quenet
A l’heure où l’écologie est sur toutes les lèvres, lui défend “l’école-logis”. Rodrigo Arenas, le co-président de la première fédération de parents d’élèves FCPE, s’érige contre l'”école-prison” qui correspond, selon lui, au système actuel. Dans le livre Dessine-moi un avenir qui paraît mercredi, il prône “une éducation à l’Être, à soi, aux autres et à la planète”, loin des “pénitenciers post-apocalypse nucléaire” auxquels ressemblaient les établissements scolaires lors du retour en classe juste après le confinement.
Pour transformer l’école, ce militant de 46 ans propose, entre autres, des leçons de droit dès la maternelle, des vacances scolaires plus courtes ou la fin de la prise en charge, par l’Etat, des salaires des écoles privées. Pas sûr que ces idées plaisent à tout le monde. Qu’importe, l’intéressé a l’habitude. L’an dernier, au moment de l’élection des parents d’élèves (11% des voix dans le premier degré, 42% dans le second pour la FCPE), une affiche montrant une mère voilée accompagnant une sortie scolaire lui a ainsi valu de vives critiques de Jean-Michel Blanquer et la désapprobation de certains militants. Sa dernière tribune en solo, dénonçant “une vente à la découpe de l’Education nationale”, a aussi irrité le ministre.
Du vert dans les écoles et plus d’égalité
Cet homme, “cash” et “passionné”, comme beaucoup le décrivent, ne mâche jamais ses mots. “Je suis un mec de la banlieue”, justifie-t-il, en jean et polo noir. Fils d’exilés chiliens, il est arrivé en France à l’âge de 4 ans. Il a grandi à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne), en cité HLM, puis en résidence à loyer modéré, au bord de l’autoroute. Aujourd’hui, il habite à Sevran (Seine-Saint-Denis), dans un petit pavillon, avec sa compagne et leurs quatre garçons, heureux de cultiver son potager et d’élever quelques poules.
Je fais de la politique au sens noble du terme. Mon parti, c’est l’enfant!
“Je fais de la politique au sens noble du terme, répond-il à ceux qui l’accusent d’utiliser la FCPE à des fins politiques. Mon parti, c’est l’enfant!” Son “manifeste” appelle donc à faire “entrer le 21e siècle dans l’école”. Grâce à des mesures écolos : l’auteur défend une cantine 100% bio, l’apprentissage de la nature et les classes découvertes ; égalitaires : il propose de créer “des classes passerelles” pour permettre la réorientation des élèves, de réserver 30% des places des grandes écoles aux meilleurs bacheliers des quartiers défavorisés et une véritable gratuité ; épanouissantes : il préconise des cours de philo à tout âge, des concours enseignants où, à l’ère numérique, compétences pédagogiques et vocation primeraient sur l’érudition, des classes multi-niveaux, etc.
Militer fait partie de son ADN familial
Ses années à la tête de la FCPE 93 ont forgé ses convictions. A l’époque ministre de l’Education nationale, Najat Vallaud-Belkacem se souvient d’un “acteur de terrain, direct, combatif, exigeant avec les pouvoirs publics”. Chez les Arenas, militer fait partie de l’ADN familial. Sa mère, directrice de crèche, et son père, sociologue, ont fui la dictature chilienne. “Je suis un enfant de l’engagement, clame-t-il. Je crois aux luttes collectives.” Il a vu ses parents reprendre leurs études. Passé ses mercredis et ses vacances à leurs côtés, quand ils travaillaient en centre de loisirs. Et profité des colos et des classes vertes payées par la mairie PCF. Au lycée, il s’inscrit aux Jeunesses communistes.
Mais il s’éloigne assez vite des partis. “Globalement, le système clientéliste, le côté immigré de service, j’en ai eu marre”, raconte-t-il. Direction l’Espagne, séjour Erasmus pour l’étudiant en sciences éco. La politique, il y revient plus tard, se rapproche de Stéphane Gatignon, le médiatique maire de Sevran, et rejoint Europe-Ecologie-Les-Verts : “Un truc allant de José Bové à Daniel Cohn Bendit, en passant par Eva Joly, ça m’attirait!” En 2014, il mène une liste aux élections municipales de Montfermeil (Seine-Saint-Denis). Pendant six ans, le voilà élu dans l’opposition locale.
Hyperactif, on le dit intéressé par le conseil régional d’Ile-de-France
Aujourd’hui, il n’est plus encarté. “Mon objectif, affirme-t-il, ce n’est pas d’être élu mais de faire avancer mes idées.” Il l’avoue : “Je ne suis pas très Coubertin. L’important, ce n’est pas seulement de participer.” Face à la crise sanitaire, l’hyperactif s’est démené, réclamant des indemnités pour les parents coincés à la maison, l’ouverture de lieux supplémentaires pour faire classe ou la gratuité des masques pour les élèves. Habitué des médias, il se bat aussi contre le sexisme en matière de tenues scolaires (“foulard ou mini-jupe, même combat?”, interroge son livre). Et soutient la pétition pour le droit de vote à 16 ans.
S’il faut un jour retourner dans l’arène pour défendre mes idées, je n’hésiterai pas une seconde
“Il a rendu visible un syndicat qui l’était relativement peu”, analyse Sandra Regol, secrétaire nationale adjointe d’EELV, qui l’a connu quand il militait au parti. Quitte à bousculer ou à partir un peu vite. “On l’appelle parfois Che Guevara”, plaisante un proche. On le dit intéressé par le conseil régional d’Ile-de-France? “Je n’ai pas prévu de me présenter à une élection, dit-il. Mais s’il faut un jour retourner dans l’arène pour défendre mes idées, je n’hésiterai pas une seconde.” En attendant, à ceux qui se demandent s’il lui reste encore du temps pour son travail au sein du Conseil départemental de Seine-Saint-Denis, il réplique sans hésiter : “Qu’ils me suivent une semaine avec du Guronsan!”
* Dessine-moi un avenir, Rodrigo Arenas, Edouard Gaudot et Nathalie Laville. Actes sud, 128 pages, 16 euros.